24h Calafat 2015

Publié le par yannick84

Vendredi 17 juillet 2015, après 4 participations aux 24h du Mans en solo, 3 en duo et 3 en équipe, me voilà me voilà parti, avec Isabelle pour participer aux 24h de Calafat dans la catégorie solo.

2 ans que j'attends ça. Une fracture d'une lombaire (causée par automobiliste plus préoccupée par regarder son autoradio que la route et les cycliste devant elle) m'a empêcher de participer à l'édition 2013 alors que je revenais en pleine forme après une opération des croisés d'un genou. Exceptionnellement et très gentillement Mariona et José (les organisateurs) ont accepté de reporter mon inscription pour cette édition.

 

Les 24h du Mans ne sont passé que depuis 3 semaines. Depuis le début de la semaine et tout le long du trajet je suis dans ma bulle, je préfère éviter les questions des copains : "Auras tu bien récupéré du Mans, Quels sont tes objectifs, ..." Pour moi c'est l'inconnu. Je n'ai aucun repère. Je ne connais pas du tout ce circuit à part ce que chacun a pu me raconter.

Pour planter le décors, je sais juste que le circuit se situe juste à coté du lotissement résidentiel Calafat de la vile de l'Ametlla de Mar à Tarragone. Il est long de 3250 mètres coincé entre mer et montagne. Contrairement au circuit Bugatti du Mans, il est relativement plat mais sans temps morts pour récupérer avec 2 petites montées de 10 à 20 mètres de dénivelé, un vent omniprésent très changeant et la chaleur environnante (30 à 35°c), ce circuit est décrit par certains comme étant encore plus exigent que le Bugatti pour un concurrent solo.

J'espère juste pouvoir rouler le plus longtemps possible en minimisant les pauses sans idée de distance ni classement possible. Et puis le classement j'avoue m'en moquer un peu, ma préparation n'ayant vraiment pas été géniale cette année, J'y vais avant tout pour être avec mes copains, mes amis solo. Certains trouvent leur motivation dans la recherche d'une performance, un record, etc... pour moi mon moteur c'est l'amitié. Les solos forment une grande famille. Avant d'être des concurrents ou des adversaires, on est avant tout des amis dans la vie.

Je n'ai qu'une hâte c'est d'y être pour retrouver mes copains Sixties, Jissé, Youb, Sofy Catwoman, les kroko de Nimes et quelque autres. Les textos n’arrêtent pas d'arriver tout le long du trajet.

Après 6h de route depuis Marseille (sans compter les pauses) nous arrivons sur le circuit de Calfat à 20h. C'est quand même mieux que les 10h de route (sans pause) pour faire Toulon-Le Mans avec le bus du club RPM. C'est quand même bien plus près pour un sudiste.

 

Notre arrivée coïncide pile avec celle de Sixties venu à pied (depuis la gare situé à 9 km) avec son gros sac sur le dos. C'est peut être rien mais en plus de retrouver un ami, ça me rassure. Il connaît tout de cette épreuve, les astuces, etc... il est même connu comme le loup blanc. Multiple vainqueur ici et sûrement la personne la plus humble que je connais dans le monde du roller, Calafat est sa 2eme maison.

Supers retrouvailles, d'autant plus que Mariona (l'organisatrice) vient à notre rencontre en même temps. Petite discussion et grands remerciements pour tout ce qu'elle a fait pour moi avec le report de mon inscription.

On fait un rapide petit tour des français qui sont là. On se dépêche d'installer la tente, couchage, brancher le micro-ondes, le mini congel et la glaciaire. C'est une ambiance très conviviale très familiale bien loin de l'industrie 24h du Mans. le camping se fait sur le parking et les bas cotés en terre.

On part vite au PC course retirer les dossards. On attendra presque 1h30 avant de passer. heureusement les bureaux sont climatisés. 22h30 Petit repas à la frontale. La chaleur est toujours écrasante, les espagnols ont attaqué un karaoké qui durera un bon moment. Fin du repas, toilette, douche puis dodo vers minuit. Bien que fatigué j'ai du mal à trouver le sommeil à cause de la chaleur. Je reçois encore quelques messages des copains via Facebook et le Wifi du circuit avant de plonger jusqu'à 8h.

 

Samedi matin

Petit déjeuner avec isabelle pendant que Sixties essaye de continuer à dormir malgré la chaleur. nous allons visiter le circuit, les abords de stands et le zone de relais pour se mettre dans le bain et passer le temps.

Les autres concurrents arrivent régulièrement sur le parking du circuit au même rythme que la chaleur augmente. Le clan des frenchies s'étoffe. Nous voici rejoins par les solo Jissé, Claude vainqueur des derniers 24h solo au Mans, Sofy et Audrey (en quad) des kroko, Youb et Alexis toujours de Kroko en duo, Henri des kroko qui va staffer Sofy et Audrey , .... C'est les grandes retrouvailles de la famille des solos.

 

11h : Mariona ouvre les box. je me dépêche de m'installer, le soleil de plomb, la chaleur sous la toile de tente étant invivable. L'ombre du box et du petit courant d'air qui le traverse sont les bienvenu en attendant le départ. En sortant mes affaires je découvre avec stupeur que la sangle permettant de serrer le coup de pied sur un de mes M100 à commencé à casser. Mince j'espère qu'elle tiendra jusqu'à la fin de la course. Mes pieds étant encore bien sensibles après le Mans, j'ai peur de ne pas pouvoir supporter bien longtemps mes R4 avec lesquels je fais les courses de 6h ainsi que les 3/4 de chaque course de 24h.

Les autres solo arrivent à tour de rôle pour s'installer.

Plutôt que d'installer Isabelle et Henri au niveau de la zone de relais, nous établissons le campement des coach solo un peu plus loin en bord de piste, sous l'ombre de gros arbres. Cela sera parfait et plus calme pour prendre les ravitaillement au passage et éviter l'insolation à nos coach.

En attendant le départ je vais m'allonger dans le box pour m'isoler. Comme d'habitude je pense aux copains restés en France aux 4 coins de l'hexagone. Une pensée toute particulière à mon cher Pierrot de Marseille qui me soutient régulièrement tout au long de l'année et pendant les 24h en me staffant ou en m'envoyant des textos des messages sur FB via ma coach. Au détour d'une publication Facebook je l'aperçois bricoler une paire de quad en pleine nuit. Ce sera les dernières news que j'aurais de lui avant mon retour en France. Je ne le sais pas encore mais voulant faire le jeune il s'est lancé avec une bande de copains dans une petite compétition amicale d'acrobaties sur le skate park du nouveau Palais de la Glisse à Marseille. Manque de bol, pile poil au moment du départ des 24h il se cassera le col du fémur. Pendant que je serais dans le dur à me battre contre moi même il passera un salle week-end à l’hôpital déconnecté du monde extérieur.

 

Pierre la suite de ce récit est pour toi

 

15h50 : Je chausse mes R4 et parts m'installer sur la grille de départ. Contrairement au Mans le départ se fait patins aux pieds, façon grand prix moto (4 patineurs par ligne) par ordre d'inscription. Étant inscrit dans les derniers je suis en 79ème position à plus de 300 mètres de mes copains solo. Tout en remontant la grille, je prends le temps de leur souhaiter bonne chance et les serrer dans mes bras (c'est devenu un rituel chez moi avant chaque 24h).

 

16h : c'est le départ. je pars assez vite pour essayer de rattraper les solos. Rapidement je retrouve Jissé, Txinparta (une petite espagnole, vainqueurs solo sortante de Calafat) et son mari.

Mes 2 autres amis solo, Claude et Sixties sont un peu plus loin. ils semblent partis comme des avions. Je décide de ne pas tenter de les rattraper afin de ne pas me griller. Les premiers tours s'effectuent en 8 minutes chacun (24km/h) sans vraiment forcer. Le revêtement réputé pour être assez ratonneur me semble comme de la moquette avec mes nouvelles roues bi-densité. C'est un vrai régal.

Il ne faudra que 6-7 tours aux 2 premiers solo (Claude et Sixties) pour nous prendre 1 tour. Étant très facile je décide de les suivre laissant Jissé avec les 2 espagnols. Le rythme de Claude et Sixties est nettement plus rapide (7 minutes au tour: 27km/h), trop rapide pour moi. Je tiens 4 tours au bout desquels je retrouve Jissé. il a préféré laisser filer les Espagnols et baisser de rythme. nous roulons maintenant à 9 minutes au tour.

 

18h30 : 17 tours parcourus (55km) mais je suis déjà contraint de m'arrêter, passage aux toilettes oblige. Pour ceux qui ne le savent pas j'ai n'ai malheureusement plus de colon depuis quelques années. Cela limite mon autonomie et m'oblige à un passage aux toilettes bien plus fréquent que la normal. Je repars seul roulant en 9 et 10 minutes au tour. Le vent souffle de plus en plus fort et fatiguent déjà les organismes. Les nuages cachent le soleil, l'orage menace et la température perd 2-3 degrés. 4 gouttes feront peur à nos staffeurs mais ne dérange pas les patineurs. les nuages partirons vite pour faire place à un magnifique couché de soleil.

 

21h : 28 tours parcourus (91km) 2 ème pause + changement de patins. C'est vraiment dommage j'aimais bien le roulage de ces nouvelles roues mais mes pieds ne supportaient plus les R4. Je chausse mes M100 et les attache délicatement pour ne pas risquer de casser la sangle mal en point.

Au moment de repartir, Mariona (la commentatrice et organisatrice) apporte à nos staffeurs le classement vieux de 30-40 minutes. Je ne veux pas entendre parler de classement mais j'entends de loin que je suis 4eme avec 2 tours de retard sur le 3eme (un espagnol) et Jissé 5ème juste derrière moi.

Finalement Je repars avec Sofy (Solo femme des Kroko de Nimes). Elle m'invective et me dit : Allez viens on va aller la chercher la 3ème place. (2 tours de retard c'est exactement le temps perdu pour lors de mes 2 pauses pour aller aux toilettes). Je me dis qu'en optimisant les pauses je peux essayer d'atteindre le podium.

Au tour suivant Isabelle m'annonce que je suis 3ème avec Jissé toujours à pas loin derrière moi et l'espagnol qui est maintenant à 1 tour. Il se produit alors ce que je voulais tant éviter. Je me mets à cogiter 3ème ça serait super et même inespéré au vue de ma préparation. Le podium ne m’intéresse vraiment pas pour mon égaux et ma propre personne. Cela dit pour mon club ça me ferait vraiment plaisir de leur offrir. Mais ce qui m’intéresse le plus et ce qui va vraiment me faire avancer jusqu'à la fin de ces 24h c'est de me retrouver sur les photos finales à coté de mon cher Sixties. Pour cela il faut être sur le podium (un bien grand mot). Bon ok avec Claude en plus, un podium 100% frenchie ça aurait vraiment de la gueule. Quelle belle image pour immortaliser ce week-end.

La nuit est maintenant noire. Tous les concurrents ont allumé leur frontale. Malgré mon habitude de patiner seul la nuit lors de mes entraînements en pleine nature au bord de l'étang de Berre, je me sens dans un état second au milieu de ce paysage aride avec des petites lumières bordant chaque coté de la piste un peu comme celles de la piste d’atterrissage d'un aéroport.

 

22h30 : 36 tours parcourus (117km) je m'arrête pour manger un peu. Je vois Claude, les patins déchaussés partir voir le podium l'épreuve des 6h avec son appareil photo à la main. Sa femme a gagné l'épreuve solo féminine. Il revient un peu plus tard pour plier ses affaires pour partir à l’hôtel. Je n'ai même pas réussi à lui parler. Je ne comprends pas ce qui lui arrive, pourtant il était en tête et semblait bien rouler avant de s'arrêter.

Je repars dans la nuit. Tour à tour je ferai quelques tours avec Sofy (nous nous motivons mutuellement) puis c'est autour de Jissé de partager quelques tours avec moi puis je me retrouve seul bouclant les tours entre 10 et 11 minutes jusqu'à minuit. Mais ce que je craignais arriva. Mon patin malade commence à rendre l'âme. Mon pied part à l’intérieur ce qui provoque un échauffement à l’extérieur du mollet. Je pose des plaques de duoderm en prévision, je pense le tout pour éviter que cela ne se décolle et passe des chaussettes plus longues pour éviter que la tige du chausson n'appuie directement sur ce pansement et l’endommage rapidement.

Mes mollets bien protégés, je repars roulant parfois seul, parfois avec Sofy ou seul sans vraiment savoir où en est le classement juste en essayant de gérer au mieux les pauses et de m'alimenter correctement. A l'approche de la ligne droite des stands j’aperçois Mariona au bord de la piste. Je décide de venir la voir juste pour parler 2 minutes. Je lui fait part de mes impression sur le circuit, l’environnement ainsi que sur l'accueil. Une petite plaisanterie et je repars. J’enchaîne les tours, tout semble bien aller, j'en suis même très surpris. Cependant je roule seul depuis un bon moment et je sens tout de même la lassitude arriver. J’aperçois parfois Jissé passer devant moi quand je fais mes petites pauses restauration mais le temps de me remettre en route plus d'1 minute s'est écoulée. Je cravache pour le rattraper afin de pouvoir rouler avec lui mais malheureusement c'est son dernier tour avant sa pause. Du coup nous passons notre temps à nous croiser.

 

Vers 2h30, je commence à ressentir des sensations bizarres au niveau de l'estomac. je ralentis l’absorption de boissons sucrées pour boire un peu de soupe à la place. je ralentis aussi un peu le rythme pour laisser mon organisme récupérer et l'estomac se remettre mais au plus le temps passe au plus j'ai mal à l'estomac. c'est rageant mes jambes sont bonnes, j'ai juste les pieds qui me font mal.

Je continue à enchaîner les tours malgré tout en déconnectant le cerveau mais je sens que ça ne va plus. La digestion semble être totalement bloquée. Les équipes françaises m'encouragent lors de mes passage dans la zone de relais mais je n'entends rien, je fais le vide. Avec la musique dans les oreilles le cerveau s'est déconnecté.

 

3h40 : je termine mon 55éme tour (178km). Sixties passe à coté de moi, on discute un peu. je luis fait part de mes problèmes d'estomac. Il me dit avoir un remède miracle : boire de l'eau bicarbonatée. il me laisse finir mon tour tranquillement pour aller chercher son produit miracle pour l'apporter à isabelle.

Enfin j'arrive à notre zone de ravitaillement. je m'arrête m'assied. Je suis incapable de faire quoi que ce soit tellement j'ai mal au ventre. Isabelle et Henri me parlent essaient tout ce qui est possible pour me faire bouger mais je crois que je ne me suis jamais senti aussi mal sur une course.

Isabelle me dit qu'elle va appeler Pierre à Marseille pour lui aider à me faire repartir. Rien à faire.

Tiens d'ailleurs, je me dis que je n'ai pas de news de Pierre, pas de message sur FB ni de texto. Je suis loin de me douter de sa mésaventure et qu'il est sur le billard entrain de se faire opérer du col du fémur. On est à plus de 600km l'un de l'autre entrain de luter contre des douleurs bien différentes.

Sixties repasse devant moi. Cela me fait redescendre un peu de mon nuage. il me dit de boire son produit. Je m'exécute mais à peine le liquide arrive dans ma gorge je suis pris de vomissements. Je le maudit, c'est quoi cette saloperie!!!! je me force à boire mais à chaque gorgées je suis pris de vomissements. Mon estomac se tord, gargouille dans tous les sens. c'est l'horreur. Henri se moque de moi pendant que je maudit mon cher sixties. il veut ma mort, ce n'est pas possible !!!!

Finalement, désespéré je me couche parterre. Je n'ai plus envie de repartir, malgré toutes les tentatives d'Isabelle et d'Henri pour me faire repartir. Le classement est bien loin de mes pensées. Pour qu'ils me laissent tranquille, je leur répond qu'avec les 20 tours d'avance sur l'Espagnol qui nous suit, et vue que claude à abandonné j'ai de la marge et que je peux voir venir. Je resterai bien là jusqu'à la fin des 24h. L'objectif de distance est loin de mes pensées. Finalement je m'endors malgré les gargouillement de mon estomac. J'ai dû dormir 30 minutes.

 

Environ 1h après mon arrêt je me sens un peu mieux et décide de repartir. Je patine au ralenti comme un zombi. je dois tourner entre 13 et 18 minutes au tour. Je boucle 2 tours fait une pause, repart pour 2 tours refait encore une pause puis 3 tours. Soudain dans la monté qui précède la longue ligne droite de relais je sens une main me pousser. C'est une petite demoiselle du club de Valence (Katy) qui ayant eu pitié et essaie de faire tout ce qu'elle peut pour m'aider à regagner la ligne droite des stands. On engage la conversation. Elle est adorable mais mon estomac à nouveau en vrac m'empêche d'avancer. Arrivé dans la ligne droite je lui dis de me laisser de continuer sa course. J'ai à peine la force de la remercier pour son aide.

 

6h00 : 60 tours (195 km). J'arrive enfin à notre zone de ravitaillement. je m'arrête encore 30 minutes. Je reprends encore de l'eau bicarbonatée ce qui me refera encore vomir mais débloquera définitivement mon estomac.

 

6h30, je repars. Je dois avoir entre 6 et 8 tours de retard sur Jissé alors qu'à 3h 40 je devais avoir 1 tour d'avance. Peu importe je suis 3ème. Je crois que j'ai toujours beaucoup d'avance sur le 4eme. Je me sens mieux mais je sens que je suis encore bien faible et à la limite. Cela ne m’empêchera pas de boucler mes tours entre 10 et 11 minutes. Je lutte mais je n'ai qu'une envie c'est de m'arrêter et d'attendre la fin de l'épreuve. je suis 3eme ça me suffit, j'ai juste à gérer l'avance. j'en fait part au passage devant Isa et Henri mais je me fais sévèrement engueuler. Je reprends du terrain à Jissé mais je ne veux pas le rattraper. Je trouve toutes les bonnes excuses pour m’arrêter. Pas envie de revenir sur un copain, etc... il m'a aidé cette année à Saint-Étienne, alors qu'il était en duo, il m'avait attendu pour rouler avec moi et m'aider, ... je ne sais pas pourquoi mais j'en arrive même à pleurer.

 

8h : 67 tours 217km. Je vois Claude revenir de l’hôtel. Ça fait plaisir de le revoir. Je n'ai pas compris tout de suite mais apparemment il revient avec l'objectif de finir 3ème. Du coup je ne peux pas chômer, il faut que je me fasse violence pour ne pas me faire rattraper. Je veux être sur la photo avec Sixties à l'arrivé. c'est mon seul objectif mais pour cela il faut être sur le podium.

La température commence à remonter. Pour me refroidir je vais glisser régulièrement un bidon glacé dans mon cou avant de m'en servir pour le boire. Je dois avoir un sacré look avec un bidon glacé dans le cou et un autre dans la poche arrière de la combi qui me sert à boire. Toutes les 30 minutes je changerai de bidon. ça fait autant de bien que si je m’arrosais.

La chaleur ne m'empêche pas d’enchaîner les tours entre 10 et 11 minutes. Tour à tour je vais rouler avec Sofy qui nous motive et se sert de nous pour se motiver, les relayeurs du club de valence (à la demande de cette chère Cathy) vont un peu ralentir afin de m’emmener dans leur sillage pendant 6-7 tours. J'adore cette convivialité et cette solidarité entre sportifs.

Je reprends beaucoup de temps à Jissé et à chaque fois que je le double je l'encourage. Ça me fait mal au cœur de le doubler mais je n'ai pas le choix, même s'il est encore loin, j'ai claude aux fesses qui veut me rattraper. Je le maudit, je lui lance même une réflexion amicale en lui disant que si jamais il me rattrapait je le foutrai en l'air. Il me dit être trop loin mais finalement c'est sa présence me fait avancer.

A chaque passage devant Isabelle je lui demande l'écart qui me sépare de Claude. Je me lance dans des calculs invraisemblables pour estimer s'il peut me rattraper et aussi quand je vais pouvoir m'arrêter afin d'être tranquille. Malheureusement mes nombreux passages par la case toilettes me font perdre un temps précieux et rendent tout calcul impossible.

 

14h approche, je suis dans mon 89ème tour (289km) je rattrape Jissé. cela me paraît invraisemblable mais je n'ai plus qu'un tour de retard. Il va faire une pause et sans doute repartir quelques minutes devant moi. Plutôt que de rouler séparément, je lui propose de se retrouver à la fin de mon tour pour rouler ensemble jusqu'au bout. Ainsi, si Claude parvenait à nous rattraper on pourrait toujours essayer de se débrouiller pour franchir la ligne d'arriver en même temps et ainsi être sur le podium tous les 2 avec Sixties et Claude.

Je fini mon tour. Jissé m'attend au niveau de notre zone de ravitaillement. Tout le monde s'est octroyé une pause Sofy, Sixties, Audrey (la solo quadeuse des kroko), Youb en duo-solo (son binôme est arrêté depuis un bon moment à cause d'une blessure) , etc...

 

14h15, nous repartons tous ensemble pour mon 91ème tour. Quelle belle image que cette bande de copains bouclant un tour tous ensemble. ce petit moment de détente me permettra de faire quelques photos et de souhaiter un joyeux anniversaire à Youb. Nous terminons notre tour puis chacun reprend son rythme. Claude et Sixties repartent de l'avant, Sofy, Youb Jissé et moi continuons ensemble. Les petites portions montantes du circuit deviennent pénibles à franchir et cette fameuse montée avant la ligne droite des stands paraît bien plus dure que la Dunlop du Mans. Je ne sais pas si c'est mes forces qui m'abandonnent ou si c'est le fait de savoir que Claude ne pourra plus me rattraper mais je n'arrive plus à suivre Jissé, Youb et Sofy.

 

14h42 : 92 tours (299km) J'arrive à la zone de ravitaillement. Je me pose je déchausse les patins et m'allonge par terre. Je suis mort, je ne sens plus mes pieds. Isabelle et Henri essaient de me faire repartir mais rien n'y fera. Je leur fais comprendre que ce n'est pas le moment de me casser les pieds. Je dois sans doute encore avoir des réserves non utilisées mais l'objectif que je m'étais fixé après 4h de course est atteins. Je tiens cette 3ème place qui me permettra d'être sur la photo avec Sixties et Jissé. Le job est fait même si j'ai des scrupules à ne pas essayer de parcourir plus de distance.

Claude est encore loin à plus de 10 tours et il n'est pas question de rattraper Jissé. D'ailleurs je ne sais même pas si j'en suis capable tellement je me suis donné depuis 8h du matin.

Je vais rester allongé à l'ombre des arbres pendant 1 heure dans un état second.

 

15h40 : je repars avec pour boucler les derniers tours avec les copains.

 

16h nous nous arrêtons juste avant l'arrivée pour attendre Sixties et passer la ligne ensemble. Je sens l'émotion monter. Je regarde Jissé, nous nous félicitons mutuellement. Les larmes sont prêtes à sortir, exactement comme au Mans au sommet de la Dunlop.

 

16h05 : Sixties arrive. Sofy, Audrey et Youb ont disparus, ils sont partis franchir la ligne avec les équipes de Kroko. Finalement nous partons tous les 4 (Claude, Jissé, Sixties et moi) pour franchir la ligne la main dans la main.

 

16h06 : 94 tours à mon cardio 305km, nous passons l'arrivée. Je tombe dans les bras de mes collègues solos et d'un seul coup un flot de larmes d'émotions, de joie, de tout ce qu'on veut jaillit de mes yeux.

Je vais remercier tout le monde, tous ceux que je connais, tous ceux qui m'ont aidé, soutenus supportés pendant ces 24h, tous ceux dont j'ai oublié de mentionner leur noms, la petite Cathy de Valence et son équipe, et surtout Isabelle et Henri qui nous ont staffer à merveille.

Bien sûr comme à chaque fois à ce moment là on se dit que c'est fini qu'on ne fera plus jamais ça. Mais juste après on dit vivement l'an prochain pour revivre ce moment si particulier au passage de la ligne, ce moment d'intense émotion quelque soit son résultat juste par ce qu'on est entre copains, par ce qu'il y a peu de moments dans la vie qui peuvent égaler cette émotion et même tout l'or du monde n'est rien à côté.

Je regagne les box pour me déchausser. On se pose quelques instants. J'essaie même de déchausser les patins de Sixties en lui disant : "Mon petit champion (je sais que tu n'aimes pas que je t'appelle comme ça) laisse moi te déchausser tes patins, laisse moi t'aider un peu à mon tour pour une fois".

 

Pas le temps de traîner. A l'autre bout des stands, on entend déjà Mariona appeler pour la cérémonie des podiums. Sixties et moi partons au pas de course. Les solos sont les premiers à être appelés.

J'entends Mariona m’appeler : "Yannick, Yannick , ..."

Oui j'arrive je cours ... mais pas de Yannick

Jissé est appelé, Mariona lui remet sa médaille juste quand j'arrive enfin. Je fais un grand sourire à Mariona, je regarde Jissé, pas besoin de parler. Notre regard suffit à nous transmettre mutuellement tout ce qu'on ressent. On se prend dans les bras puis Mariona me remet ma médaille. Elle appelle Sixties et rebelote, pour la séance de congratulation. Sixties reçoit à son tour sa médaille et le maillot rouge du champion avec le numéro 1 dessus.

Séance photo du podium solo. Ça y est je la tiens ma photo. Mon visage est tellement marqué qu'on ne voit même pas dessus tout le bonheur que j'ai en moi.

 

On se met à l'écart à l'ombre dans le box à 2 mètres du podium pour faire la place aux solo femmes. Mariona va appeler Audrey 3ème, Sofy 2eme et Txinparta (la petite espagnole) 3ème.

Les miss solo nous rejoignent dans le box. Sixties en profite pour ouvrir une bouteille de champagne et nous servir. Youb nous rejoindra un peu plus tard une fois son podium passé.

 

La cérémonie passé nous rejoignons le box des solos. Je ne suis pas encore arrivé au Box que je reçois un texto de félicitation de Gillou de Chambéry et quelques autres. Mais comment peuvent ils déjà savoir. Moi qui comptait m'allonger sur mon lit de camp à ne rien faire et attendre mon retour en France le lendemain pour l'annoncer tout doucement aux copains proches dans un premier temps, me voilà entrain de répondre aux textos.

Ce n'est que 30 minutes plus tard que je comprendrais d'où vient la fuite. La fille de Jissé a déjà posté une photo du podium et la vidéo sur la page Facebook de son papa. Et bien sûr l'info a été diffusée en masse à tous les copains du roller.

Tout le monde range ses affaires, certains se dépêchent de partir. Séance d'au revoir avec les espagnols, les kroko (Sofy tu m'as épaté), Jissé (aucun mot ne peut exprimer ce que je voudrais te dire. le "Bravo copain" semble dérisoire mais au passage ça veut tout dire), ...

Nous restons seul avec Sixties devant le box pour passer la nuit à la belle étoile.

Lundi matin Sixties se réveille, range ses affaires et part tout seul prendre le bus (un peu comme Luky Luke s'en va tout seul à la fin de chaque épisode). Il ne veut pas que je l’emmene en voiture au bus ou à la gare prendre son train)

Petit déjeuné pour notre part, rangeant des affaires dans la voiture. Séance d'aurevoir à l'équipe de Valence, aux Lyonnais, aux Toulousains, etc... puis c'est le départ vers la France sans avoir oublié de remercier chaudement Mariona.

 

Quelques kilomètres après avoir passé la frontière, étonné de ne pas avoir des nouvelles de Pierre, je lui envoie un texto. Je reçois ses félicitations mais plein de pudeur, il n'ose m'annoncer clairement sa mésaventure. je mettrais quelques minutes pour comprendre la gravité de la situation. Si cela était possible, J'aurais donné tout l'or du monde pour faire en sorte que ce week-end n'ai jamais existé.

Malheureusement cela n'est pas possible donc le minimum que je puisse faire c'est t'offrir ce récit.

 

Merci à tous ceux qui ont partagés tous les bons moments et mauvais de ce week-end si particulier avec moi, à tous ceux qui m'ont soutenus de près ou de loin, ceux qui m'ont encouragés et qui m'encouragent régulièrement.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article